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Edito : L'effet radio
 

Quelle que soit la matière de la transmission – informations, commentaires, œuvres de fiction – il existe un « effet radio », très particulier, qui consiste à parler à visage couvert, avec la voix comme seule lien, à des oreilles attentives, à une audience invisible, dispersée, et pourtant plus proche et plus cohérente, peut-être que toute autre.
On sent très bien, à certains moments, cette présence collective à laquelle nous nous adressons sans la voir. Ce sentiment, qu’on ne peut pas décrire, tient à une relation obscure, à une voix qui traverse l’air, à des respirations retenues qu’on devine. L’oreille provoque l’œil, elle le défie, elle l’oblige à un autre travail que celui auquel il est habituellement soumis. L’œil doit inventer l’image en suivant les indications les plus secrètes de la voix. Nos deux hémisphères cérébraux collaborent ainsi, bon gré mal gré, et nos neurones profitent de l’aubaine.
Alors que je tenais une rubrique matinale sur France Inter, une dame m’écrivit : « Merci de me consacrer trois minutes de votre temps tous les matins ». Elle avait vu juste. D’autres m’écoutaient et pourtant nous étions seuls, elle et moi.
Il paraît même que le fait de se livrer à une autre occupation – se raser, manger, conduire –, loin de nous distraire, développe en nous une attention supplémentaire.
Cela vaut pour la réalité quotidienne comme pour la fiction, dont nous présentons ici de beaux exemples. Nous sommes comme des voyeurs à l’écoute, liés les uns aux autres par ces voix souvent ténues, par ces paroles intimes, qui vibrent un moment dans le champ magnétique qui entoure la terre et grâce auquel nous combattons notre solitude monotone.
C’est dans cette absence d’image, ou plutôt dans cette invention constante d’images, différentes selon chaque auditeur, que la nécessité de la fiction, de la surprise, de l’inattendu, se fait sentir avec le plus de force et d’acuité.
Écoutons, dans ce qu’elle a de plus amer, de plus émouvant, de plus robuste ou de plus drôle, « la voix de l’autre ». Si nous l’écoutons bien, elle va devenir la nôtre.

Jean-Claude Carrière