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Hilda
Marie NDiaye
Actes du théâtre n° 11.[ imprimer ]
Mme Lemarchand cherche une employée de maison. Elle veut Hilda, nulle autre qu'Hilda. Elle négocie avec Franck, le mari de cette dernière, les conditions de la venue d'Hilda chez elle. Hilda est une servante irréprochable, mais qui refuse cependant, muettement, de donner à Mme Lemarchand plus que ce pour quoi elle est payée. Or Mme Lemarchand veut beaucoup plus : elle veut l'amitié d'Hilda, l'âme et le corps d'Hilda, Hilda toute entière. Elle entreprend de la dévorer, de la faire sienne - jusqu'à, peut-être, devenir Hilda elle-même.

"… Le dialogue de Marie NDiaye tire le premier de ses inquiétants pouvoirs du quasi-monopole de parole de Mme Lemarchand, et de l'invisibilité totale d'Hilda. La jeune femme est condamnée à n'être ni vue ni entendue. Existe-t-elle ailleurs, autrement ? Est-elle autre chose qu'un objet de transaction ? Son destin est d'être tout entière contenue dans les propos des autres, patronne, mari et sœur. "
Jean-Louis Perrier, Le Monde , 26 mars 1999


"Le monde personnel, douloureux et tristement goguenard, avec son cortège de fantômes sur les consciences, ce monde que Marie NDiaye tisse depuis six romans, s'insinue, insidieux, entre les mots de la farce, remplit les blancs du texte d'une angoisse fébrile. "
Jean-Baptiste Harang, Libération , 4 février 1999

Création au Théâtre de l'Atelier le 29 janvier 2002.
Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia. Décor : Jacques Gabel. Costumes : Charlotte David. Lumières : Patrice Trottier. Avec : Zabou Breitman, Eric Savin, Céline Cuignet.
Traductions disponibles en allemand et anglais.

Personnages : 2 femme(s) - 1 homme(s) -
Éditions de Minuit. - www.leseditionsdeminuit.fr

Mme LEMARCHAND : Que voulez-vous ?
FRANCK : Je suis Meyer. Les petits travaux. On m'a dit de me présenter aujourd'hui.
Mme LEMARCHAND : Oui, Oui… Mais finalement, monsieur Meyer, finalement peu importe les petits travaux. Je me suis laissé dire que vous avez une femme qui ferait mon affaire. J'espère que votre femme est disponible, j'espère qu'elle est courageuse et dure à la tâche, et propre, propre surtout. Je ne supporte pas autour de moi ce qui ressemble, de près ou de loin, à du laisser-aller. Mais on m'a dit que votre femme est propre et vaillante et qu'elle s'appelle Hilda. Est-il exact qu'elle s'appelle Hilda ? Comment cela est-il possible ? Hilda.
FRANCK : C'est bien le prénom de ma femme, oui.
Mme LEMARCHAND : Celle que nous avions jusqu'à présent s'appelait Monique. Et nous avons eu Françoise, Consuelo, Brigitte, Yvette, Françoise, Brigitte. Jamais aucune de nos femmes ne s'est prénommée Hilda, jamais. Hilda. Voilà pourquoi je vous ai appelé avant tout autre, car vous savez que ma liste est longue de toutes les familles auxquelles je peux offrir cet emploi, ici, dans notre petite ville. Aucune femme n'a jamais refusé de travailler pour nous. Cela ne se produira pas. Nous sommes des gens cultivés, monsieur Meyer, et profondément sensibles à la détresse humaine… Aussi je veux Hilda.
FRANCK : Nous ne sommes pas dans la détresse.
Mme LEMARCHAND : Je le sais bien, je le sais bien. C'est une façon de parler. Etre dans la gêne ou être dans la détresse n'est qu'une question de graduation sur l'échelle des difficultés, n'est-il pas vrai ? Je veux porter secours à Hilda, pour peu qu'elle soit vaillante et raffinée. On dit d'Hilda qu'elle est bien éduquée, polie, parfaitement convenable. Je veux l'aider. Je lui offre cette place chez moi.
FRANCK : Il faudra voir.
Mme LEMARCHAND : Qu'est-ce qu'il faudra voir, monsieur Meyer ?Dites-moi, Franck, ce qu'il vous faudra voir pour vous décider.
FRANCK : Les enfants. Il faut s'organiser.
Mme LEMARCHAND : Le enfants ne sauraient être un obstacle pour me céder Hilda, Franck. La crèche peut les accueillir, je me suis renseignée. Il n'y a aucun problème. Hilda, en venant chez moi, les dépose dans cet endroit très agréable, fort bien conçu, et les récupère le soir en me quittant. Hilda est-elle chez vous en ce moment, Franck ?
FRANCK : Elle est là.
Mme LEMARCHAND : Dites-lui que vos enfants seront mieux à la crèche qu'à la maison toute la journée, persuadez-la de ceci au moins. C'est la vérité. Qu'Hilda sache bien qu'elle compte déjà beaucoup pour moi et que je la veux absolument. Qu'elle m'entende. Est-ce qu'elle m'entendra ?
FRANCK : Je lui dirai.