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Voyageurs, le voyage…aux derniers colporteurs de valises-poèmes
Vera Feyder
Voyageurs, le voyage…aux derniers colporteurs de valises-poèmes
Actes du théâtre n° 19.[ imprimer ]
Un train à grande vitesse. Des voyageurs de tout bord, de tous âges, parlant haut, parlant bas, au ras de leur train-train quotidien auquel, où qu’ils aillent (ici vers un centre de « loisirs conventionnés »), ils ne peuvent échapper.
Seul le voyageur solitaire, cherchant de s’en évader par la lecture et n’y parvenant pas, se lancera dans une traversée du train lui-même, en prenant, au mot des conversations entendues, celui qui le rattache encore à la poésie du voyage onirique et libertaire, au bout duquel un être aimé vous attend.

« Entre sa création sur les ondes et sa publication, – plus de dix ans – il m’est apparu que l’univers clos de ce train, avec ces échantillons d’humanité lancés à grande vitesse, sans échappatoire possible, vers ce centre de loisirs concentrationnaires, était, pour le voyageur qui en traverse tous les cercles langagiers, comme la préfiguration de ce qui les attend à l’arrivée. Et dont il sera – l’amour et la poésie aidant – le seul rescapé. D’où cet axiome conducteur de Paul Nizan, extrait de Aden / Arabie : “le voyage est une suite de pertes irréparables”. »
Vera Feyder

Lecture publique, Maison des auteurs de la SACD, 6 avril 1998. (Diffusion France Culture, 25 mai 1989).
Avec, par ordre d’entrée en gare : J.-M. Fertey, F. Bertin, G. Darrieu, F. Bouffard, A. Gaylor, P. Reggiani, A. Turolla, B. Valdeneige, R. Van Hool, C. Aufaure, V. Feyder, I. Andréani, I. Jeanbreau.

Personnages : 12 femme(s) - 14 homme(s) - 5 adolescent(s) - 2 enfant(s). + un chien pékinois (une douzaine d’actrices et acteurs
Durée : 60 mn.
pouvant assumer tous les rôles).
Éditions Lansman sous le titre Petite suite de pertes irréparables. - http://www.lansman.org

LE VOYAGEUR « Le voyage est une suite de pertes irréparables… »
L’EMPLOYEE Non…, ça pue… J’ai beau faire, ça pue…
L’AMIE Faut déodoriser !
L’EMPLOYEE Je déodorise, je déodorise, mais rien n’y fait ! Tu sais, c’est tout de même enfermé toute la journée, avec un pied dedans…
L’AMIE Il y a des semelles spéciales pour ça, non ?
L’EMPLOYEE J’ai tout essayé, tu penses bien. Non, je te jure, c’est pas marrant… (Ruminant son chewing-gum.) L’été, trois fois par jour, je me les lave…
L’AMIE (soufflée) Trois fois par jour ! Comment tu fais ?
L’EMPLOYEE (s’énervant) Comment, comment je fais ? Les pieds dans le lavabo, c’est pas compliqué… Au moins, l’aérobic ça me sert…
L’AMIE (gênée) Et au bureau, ils ne s’aperçoivent de rien ?
L’EMPLOYEE (idem) Comment ils s’apercevraient ? Je vais pisser comme tout le monde… Trois fois par jour, c’est normal, non ?
L’AMIE (peu convaincue) Oh, oui remarque… Trois fois par jour, oui…
L’EMPLOYEE Toi, t’y vas moins ?
L’AMIE Je sais pas.
L’EMPLOYEE Ben, oui, d’habitude, on ne compte pas !
LE VOYAGEUR « Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !
Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui. »
L’AMIE Bon, ben alors, comme ça, ça va… Si personne s’aperçoit de rien.
L’EMPLOYEE (agressive) Ah oui, t’en parles à ton aise, toi ! Tu te représentes pas bien ce que c’est, on dirait. (Bas.) Tiens, regarde-le, l’autre là-bas qui profite que sa femme est aux toilettes pour biberonner en douce… Non, les hommes je te jure… (Haut.) Où j’en étais ?
L’AMIE (cherchant) Ben, oui, tu disais…
L’EMPLOYEE Ce qu’on va vite, dis donc ! (Bas.) Tiens, la voilà qui revient la bourgeoise… Et regarde l’air qu’il prend, l’autre, dans son journal, comme si de rien n’était… Je te jure, les bonshommes, on se demande vraiment pourquoi on leur court après… Quand on y pense… À part le lit… et encore ! Parce qu’il y en a des qui, même au lit, je te dis pas ! (Bâillant.) Si on allait s’en jeter un au bar ? Je suis comme l’autre, moi, je boirais bien un coup !
L’AMIE C’est trop tôt, non ? Si on y va maintenant, qu’est-ce qu’on fera après ?
LE VOYAGEUR (lisant) « Ainsi, il y avait dans ce temps cruel dont je parle, des hommes qui voulaient vraiment fuir les niches où les fixaient des chaînes auxquelles ils ne comprenaient presque rien…