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Rue de Babylone
Jean-Marie Besset
Rue de Babylone
Photo Laurencine Lot - Samuel Labarthe, Robert Plagnol
Actes du théâtre n° 20.[ imprimer ]
La pièce se déroule dans le hall d’un bel immeuble parisien, une nuit autour de Noël. G, un bourgeois directeur de journal, rentre chez lui quand il se heurte à un sans domicile fixe, H, qui insiste pour dormir dans le hall de l’immeuble. Les deux hommes finissent par avoir des échanges presque philosophiques sur la vie, la charité, la mort. À plusieurs reprises, G tente de se débarrasser du SDF, mais celui-ci menace de dire à sa femme qu’il a une maîtresse, Gaby. Et soudain c’est la révélation : « Je suis ici parce que tu m’as pris Gaby. » Le SDF n’était donc pas là par hasard.

« Il y a dans ce face-à-face, quelque chose des angoissantes interrogations des personnages d’une littérature hantée par la culpabilité et c’est aux Russes que l’on pense, comme on pense, fugitivement, à certains textes de Bernard-Marie Koltès. Références. Mais c’est Jean-Marie Besset que l’on reconnaît, et dans ce qu’il y a de meilleur dans son parcours dramatique. C’est formidable. Sans esbroufe. »
Armelle Héliot, Le Figaro, septembre 2004

« Un essai, intéressant, sur ce qui peut opposer ou rapprocher deux citoyens qui, dans des circonstances habituelles, s’évitent. […] La pièce est bien écrite, sans manières, comme tout ce que fait Jean-Marie Besset. »
Michel Cournot, Le Monde, septembre 2004

Création au Petit Montparnasse, 4 septembre – 31 octobre 2004.
Mise en scène : Jacques Lassalle. Décor : Alain Lagarde. Lumières : Franck Thévenon. Son : Daniel Girard. Avec : Samuel Labarthe et Robert Plagnol.

Personnages : 2 homme(s) -
Éditions Grasset (suivi de Les Grecs, Théâtre 2).
Traduction anglaise de Hal J. Witt.

H Vous avez de la chance d’avoir une femme qui dort chez vous tranquillement, monsieur. Et des enfants qui dorment tranquillement, aussi.
G Vous voulez dormir chez moi, c’est ça ? Dites-le franchement. Mais je vous préviens que vous ne monterez pas.
H Non ?
G Ce serait pour moi un investissement trop grand. Et puis ma femme… je ne veux pas lui imposer ça.
H Vous avez des choses à vous faire pardonner ? Ce serait la goutte d’eau qui fait déborder ?
G Une bonne action de cette ampleur, venant de moi, la laisserait perplexe.
H Elle est chrétienne, votre femme ?
G Ah, voyez, ça, c’est la bonne question. Avec un mot ancien qui évoque… des vieux souvenirs… des réminiscences… tout un passé… familier. Et un fardeau aussi. Notre grand fardeau occidental, hein, en somme ? C’est un mot qui cerne bien le début de la culpabilité.
H Quel mot ?
G Chrétien. Si ma femme est chrétienne.
H Et vous, vous l’êtes ?
G Et c’est logique que ce soit vous qui le prononciez, ce mot. Parce que nous, on a remis à plus tard ce genre d’interrogation. Remis. Nous manquons de spiritualité. Alors que vous, vous finalement, vous êtes dans l’essentiel… une espèce de quête spirituelle, pourrait-on dire… Si, si, disons-le. C’est pour ça que je m’attarde, d’ailleurs. Vous avez l’air sans ressources. Mais si jamais vous aviez des réponses, hein ?… Alors c’est bien normal que ce soit un être spirituel comme vous qui agitiez devant moi le chiffon rouge, ce mot : chrétien.
H Mais, vous savez que vous allez mourir, oui ?
G Mourir.
H Un jour.
G Ah, « un jour », oui. Ou une nuit.
H Et ce jour-là, vous comptez mourir comme un chrétien, ou comme un mécréant ?
G Mais non, pas du tout, c’est ce que je vous dis. Troisième voie. C’est comme ça que nous sommes, aujourd’hui, devant la mort. D’un côté, on ne va plus au fond des questions, comme le faisaient les esprits forts. De l’autre, on n’a plus cette peur de l’enfer, qu’avaient les chrétiens. On est dans un suspens, une expectative molle… un inconfort euphorisé, voilà. À la fois on se pose encore des questions, et on ne résout rien.