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Parle-moi d'amour
Philippe Claudel
Parle-moi d'amour
pascalito
Actes du théâtre n° 27.[ imprimer ]
Parle-moi d’amour met en scène un couple d’une cinquantaine d’années. Parents de deux enfants déjà grands, bourgeois parisiens, ils se connaissent par cœur, dans leur beauté et leur bassesse, et aucun des petits défauts de l’un n’échappe à l’autre. L’action de la pièce se concentre sur une seule soirée. Le couple revient d’un dîner mondain. L’homme, obsédé par la perspective d’une promotion dans son travail, agresse verbalement sa femme à propos de la conversation qu’elle aurait eue durant le repas avec un de ses concurrents. C’est le début de l’affrontement : la scène de ménage n’épargnera aucun des compartiments de la vie du couple : loisirs, vieillissement, sexualité, tromperie, mensonge, éducation des enfants, ambition, reniement. Un mélange explosif, féroce, mais traité avec la plus grande drôlerie.

« Le romancier s’exerce pour la première fois au théâtre avec un texte jubilatoire. Le rythme est époustouflant au point d’en être inquiet pour les interprètes. Une excellente comédie sur les préoccupations d’aujourd’hui, où l’on retrouve la plume incisive de l’auteur écrivant avec une grande élégance l’histoire de tout le monde. »
Comité de lecture d’Entr’Actes

Création à la Comédie des Champs Elysées le 3 octobre 2008.
Mise en scène : Michel Fagadau. Avec : Caroline Silhol et Michel Leeb.

Personnages : 1 femme(s) - 1 homme(s) -
Stock

HOMME Ben voyons ! Et ta fille ! Regarde ta fille ! Le cerveau pompé par les jeux vidéo ! Il doit lui rester trois neurones et encore je suis généreux ! Elle collectionne les premières années ! Première année de médecine, première année de droit, première année de lettres, première année d’économie, et maintenant première année d’histoire ! Si elle continue comme ça, elle pourra faire un doctorat de premières années !
FEMME Est-ce que c'est la faute de Sophie si le système universitaire est inepte ? C'est une cérébrale et on formate des exécutants, comme toi, à qui on apprend à ne pas penser mais à obéir ! Elle n'est pas de ton monde !
HOMME Ni moi du sien ! Merci et tant mieux ! Vous êtes des rêveurs, des êtres qui n’ont aucun sens des réalités ! Tes enfants te ressemblent comme deux gouttes d’eau !
FEMME Heureusement pour eux !
HOMME Rigole, rigole ! Souviens-toi que lorsque je t’ai rencontrée, tu pensais vivre en fabriquant des poufs en macramé et en les vendant à des paysans corréziens ! Des poufs en macramé ! J’en rigole encore ! Tu portais des anneaux de cuivre à chaque cheville pour mieux capter les ondes cosmiques en provenance de Vega de la Lyre, tu pratiquais des ablutions dans chaque rivière et tu ne te nourrissais que de fromages de chèvre !
FEMME Et alors !? J’aurais mieux fait de continuer !
HOMME Mais tu serais quoi à cette heure ? Tu serais où ? Qu’est-ce que tu crois qu’est devenue ta bande d’illuminés ? Ce grand con, là, ton maître à penser, comment se faisait-il appeler déjà…
FEMME Siddharta Vishnu.
HOMME Ouais ! Ah il ne manquait pas d’air lui, prendre un surnom pareil, remarque c’est vrai que le sien de nom, Gérard Boulier, ça faisait nettement moins gourou !
FEMME Il irradiait…
HOMME C’est lui qui doit être irradié à cette heure ! Lorsque je fais des inspections en province, j’en vois des dizaines comme lui, des employés subalternes à la vie grise, divorcés, apathiques, détruits par le pastis et le gros rouge autant que par ce qu’ils ont fumé, revanchards, aigris, qui votent Front national ou Lutte Ouvrière ce qui revient au même ! Il ne leur reste rien, même pas leurs cheveux, même plus leurs dents, rien ! Ah tu serais surprise !
FEMME Gérard en était à sa dernière réincarnation. Il était proche de la Grande Lumière !
HOMME Elle a dû le carboniser ta Grande Lumière ! Et toi, toi tu imagines ce que tu serais devenue ? Sans doute serpillière dans une secte à la noix, le cerveau lavé à l’eau de javel, tu aurais servi d’esclave sexuelle pendant des années au Grand Maître et à tous les autres, mais là, avec l’âge, plus personne ne voudrait s’accoupler avec toi, il ne te resterait que les processions en ville que tu ferais vêtue de loques en agitant un tambourin et en chantant des psaumes à la con ! Voilà ce qui t’attendait ma vieille si un jour je n’avais pas crevé un pneu sur une départementale !