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Passés (Veillée d'armes)
Laurent Contamin
Actes du théâtre n° 47.[ imprimer ]
Comme chaque année en juin, dans cette station balnéaire du nord de la France, les Fêtes du Solstice approchent. Mais cette fois, quelques éléments nouveaux viennent changer la donne : d'abord les rafles policières de clandestins s'intensifient aux abords du port et du Tunnel ; ensuite le nouveau maire voudrait une dimension "patrimoine" plus affirmée ; enfin et surtout, le vieux Jean-Baptiste a disparu : enlèvement ? fugue ? perdition ? Son fils, responsable de la sécurité au Tunnel et sa petite-fille, qui entend parfois des voix venues d'ailleurs, partent à sa recherche. Dans ce territoire de "bout du monde" et de frontière à la fois, des strates du passé resurgissent, venant mettre à mal le présent et sa doxa sécuritaire.

« (…) Son signe distinctif le plus apparent est de brasser une matière incroyablement diverse, profuse, variée. Il est difficile de circonscrire son théâtre à travers les fables qu’il raconte. Elles puisent leurs sources dans les faits divers, la géopolitique, les mythologies africaines, l’histoire des sciences… Quelque soit la fable, l’auteur parvient à faire émerger les thèmes qui composent son univers: sa philosophie de la perception, les thématiques du corps, de la maladie, et surtout, un dénominateur commun, l’altérité. Si pour Emmanuel Levinas, ‘le visage d’Autrui serait le commencement même de la philosophie’, il est, semble-t-il, la source même du théâtre de Laurent Contamin. »
Jörn Cambreleng, Carnet de lecture n°14 d’Aneth, 2008

« Il est très rare qu’un auteur de théâtre travaille ainsi sur l’histoire immédiate, avec un texte qui parle de la situation actuelle de l’homme face à la politique, face aux sociétés capitalistes »
Urszula Mikos, La Terrasse, janvier 2007

Production radiophonique en cours pour France Culture.

Personnages : 4 femme(s) - 1 homme(s) -

MYRIAM Je sais où est Grand-père. (Claire et Jean s’arrêtent, médusés. Un long temps.) C’est beau, ce silence. C’est comme un parc après la pluie, quand le soleil revient sur les arbres mouillés. Et c’est une transfiguration du monde que le soleil apporte. Et vous aussi, vos visages séparés de vos paroles, ils témoignent de la beauté du monde et de la création.
JEAN Il est où ?
MYRIAM Je pensais à un truc : un jour, des journalistes viendront vous interroger sur moi : comment vous avez accueilli ma vocation, et qu’est-ce que ça fait d’être les parents d’une cardinale, et si vous avez tout de suite fait le parallèle avec Jeanne d’Arc, et si vous avez des conseils à donner aux parents, ce genre de trucs. Qu’est-ce que vous répondrez ?
CLAIRE C’est très grave, ce que tu dis, Myriam. Si tu sais quelque chose, il faut le dire.
MYRIAM Parce que Jeanne d’Arc aussi, au début personne la croyait, à Domrémy. Y avait que ses moutons qui la croyaient. Moi c’est pareil, on dirait qu’y a que les crabes et les crevettes qui me croient. Alors je vous préviens : faudra pas vous la taper, plus tard, avec les journalistes.
JEAN Tu l’as vu ?
MYRIAM Je ne l’ai pas vu mais je sais où il est.
JEAN Ne me dis pas que tu as entendu des voix, ou que tu as eu une vision…
MYRIAM Non. Je le sais. De source sûre.
CLAIRE C’est la filière paroisse ?
MYRIAM Je flambe pas mes sources.
JEAN N’importe comment, il est où ?
MYRIAM On n’a rien sans rien dans ce monde marchand.
JEAN Qu’est-ce que... (A Claire.) Qu’est-ce qu’elle a dit ?
CLAIRE …
JEAN C’est censé signifier quelque chose ?
MYRIAM Toute parole est signifiante.
JEAN Hein ?
MYRIAM J’ai une requête. J’ai deux amis qui veulent passer.
CLAIRE Passer ?
MYRIAM Traverser. Passer de l’autre côté. Tunnel ou ferry, as you like.