SACD - Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques
Entr'Actes
accueil
la moisson des auteurs
à l'étranger
la moisson des traductions
paroles d'auteurs
à l'affiche
au catalogue des éditeurs
archives actes du théâtre
 
 
Actes du théâtre :
la lettre d'information
 
Plan du site
 
[ anglais ]
 
 

la moisson des auteurs

 
     
Communiqué n°10
Samuel Gallet
Actes du théâtre n° 50.[ imprimer ]
Dans une grande ville, des violences urbaines éclatent suite au meurtre du jeune Lakdar. A la périphérie, au neuvième étage d'un immeuble, son frère aîné, Hassan, écrit des menaces de mort au ministère de la Justice, confie sa mère à une jeune photographe Marlène qu'il a rencontrée avant les événements et part incendier un tribunal. Pourquoi faut-il que nous perdions toujours ? Pourquoi faut-il toujours ressembler à nos pères ?

Un théâtre poélitique.

« La force du théâtre de Samuel Gallet réside dans la tension permanente entre le poétique et le politique. C'est une constante dans son travail que d'appréhender le monde actuel comme un champ de force entre résignation et désir d'émancipation et d'exprimer la nécessité absolue de réinventer des échappées. Les désordres urbains (émeutes dans le centre ou les périphéries des grandes villes) sont de plus en plus prégnants sur les mentalités étant donné l'augmentation de leur fréquence en France ces dernières années. Ces événements cristallisent le durcissement des rapports sociaux, le sentiment d'imminence (amplifié par la société des médias) d'une guerre civile urbaine. Cette logique conduit chacun d'entre nous à considérer que la prochaine agitation urbaine nous rapproche toujours un peu plus d'un point limite où chaque citoyen devra définitivement choisir son camp. Comment le théâtre serait-il concerné par cette actualité trouble? Communiqué n°10 montre comment une génération tente de s'extraire de la torpeur de leur conditionnement social, de la faillite des politiques publiques concernant leurs aînés, de la disjonction centre / périphérie qui exacerbe le sentiment de peur d'un côté et d'injustice de l'autre. Selon nous, face à une réelle menace d'éclatement du pacte républicain et un doute abyssal pour rendre possible le devenir commun collectif, le statut du spectateur confronté à la fiction au sein de l'assemblée théâtrale occupe une place central dans la re-fondation de l'utopie de la fraternité: ‘seule [la littérature] est déterminée à remplir les conditions d'une énonciation collective qui manquent partout ailleurs dans ce milieu: la littérature est l'affaire du peuple ‘ Pour une littérature mineure, G. Deleuze et F. Guattari.
Jean-Philippe Albizzati, Notes de mise en scène, novembre 2010

Mise en scène en cours.
Une création du Comité 8.1
Mise en scène : Jean-Philippe Albizzati.. Scénographie, vidéo, son: Xavier Bonillo. Avec : Charles-Antoine Sanchez, Jérôme Fauvel, Claude Leprêtre, Maud Roulet, Jean-Rémy Chaize, Théo Costa-Marini.

Evénements prévus : Mise en espace pour les Rencontres de Brangues (Juillet 2011), Réalisation sonore France Culture (Novembre 2011), Création en France de la pièce au Théâtre de Privas (Automne 2012).

Traduction prévue en allemand dans la revue Scène.

Personnages : 2 femme(s) - 5 homme(s) -
Editions Espaces 34 - www.editions-espaces34.fr

DAMIEN Je voulais pas rester dans cet immeuble Hassan. Avec mon père qui gueulait des journées entières et sa blessure à la jambe à cause des chantiers. Je me suis dit que jamais je ne lui ressemblerai et je suis parti. Il me fallait un travail. Je fais le travail qu'on me donne. Je prends une chambre. Les jours passent et je me tais. Je fais ce qu'on me demande de faire. Je ne dis rien. Je ne laisse rien transparaître. Si l'argent manque, je ne mange pas pendant trois quatre cinq jours pour rester clean irréprochable. Je privilégie toujours la douche et les laveries automatiques à la nourriture. Je sais maîtriser mon corps, la faim et la soif. J'apprends à enfouir précisément le moindre sentiment, le moindre désir. Je donne l'impression de ne pas avoir de pensée propre. Je n'ai pas de pensée propre. Je suis de ceux qui n'ont pas à avoir d'avis, qui n'ont pas le droit à la parole, qui n'ont pas de seconde chance. Les plaintes et les réclamations de ceux qui ont tout, je les considère comme normales. Je n'en éprouve aucune amertume. Ils sont innocents et c'est leur innocence que j'ambitionne. Les gestes hautains, les petites moues de mépris au coin des lèvres, je les retiens par coeur, les imite le soir seul devant ma glace pour l'avenir qui viendra. Et parfois quand demain s'appelle samedi je ne rentre pas chez moi. Un an, deux, debout immobile devant l'entrée Nord. Sud. Est. Ouest. Les rondes dans le centre. La nuit. Mes pas. L'écho contre les murs de la grande surface, le parking, les couloirs, la peur, les bruits de la ville vingt quatre vingt quatre. Encore trois ans je me dis et je pars à l'étranger, encore trois ans, aucun espoir ici, je mets de l'argent de côté et j'espère que tout reste en ordre, que rien ne bouge et que je puisse partir.