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Coma bleu
Sylvie Dyclo-Pomos
Coma bleu
DR
Actes du théâtre n° 72.[ imprimer ]
Coma bleu est un monologue d’une femme de soixante ans qui exprime son désarroi suite à des explosions d’armes lourdes dans un camp militaire situé en plein quartier populaire de sa ville natale. Il y a eu de nombreuses victimes et elle-même a failli perdre la vie. Elle décide, au nom de toutes les victimes, de porter plainte contre l’Etat pour assassinats et tentatives d’assassinats. Un beau matin, elle reçoit une convocation précisant : « Plainte irrecevable. Trahison et offense à la République. L’Etat vous traduira en justice. » Elle lance alors des appels aux généraux, pour mettre fin à leurs pratiques macabres d’arrestations arbitraires et aux cycles monstrueux de violences.

Coma bleu propose une contemporanéité quasi immédiate. L’issue du procès de l’affaire, la nature du gouvernement en place, le traumatisme de la population, qui, pour une grande partie, choisit de se taire, font de ce texte un chant contre l’oblitération de la mémoire.

Nourrie de Gorki, Tolstoï, Zola et Hugo, mon écriture et même mon approche scénique est souvent tintée d’historicité et de faits réels que je vis dans cette arène appelée « monde ».
Après avoir mis en scène, Mémoire d’un homme dérangé (d’après les textes de Rodrigo Garcia), 930 mots dans un Aquarium (de Sony Labou Tansi) et écrit La Folie de Janus, Les Griots du boss, textes inspirés par un réel accablant, je souhaite continuer à aborder des faits historiques et le vécu. Je m’interroge sur le statut de la parole au théâtre, qui induit une langue et une adresse au public très présente et directe.

ORIGINES DU PROJET

Ce projet est la matérialisation du travail conçu par Sylvie Dyclo-Pomos depuis mars 2012.
Le 4 mars 2012, l’auteure Sylvie Dyclo-Pomos assiste à un événement triste dans son pays et elle décide d’en faire un sujet d’écriture. Depuis lors, elle vit dans la hantise de raconter ce fait. Elle fait part de son intention d’écriture à Marie-Agnès Sevestre, directrice des Francophonies en Limousin et qui tient également la Maison des Auteurs de Limoges, un lieu où elle accueille en résidence des auteurs qui veulent bien y passer quelques jours pour parfaire et concrétiser leur travail dans le calme.
En collaboration avec le service culturel de l’ambassade de France au Congo, l’IFC de Brazzaville et la Maison des auteurs de Limoges, Sylvie Dyclo-Pomos part en résidence d’écriture pendant deux mois, en mai-juin 2013, à la Maison des Auteurs à Limoges, où elle écrira le texte Coma bleu.
Après l’écriture à Limoges, Vincent Baudriller et Hortense Archambault, directeurs du festival d’Avignon, invitent l’auteure Sylvie Dyclo-Pomos à la 67e édition du festival d’Avignon In pour la présentation publique du texte Coma bleu, le 18 juillet 2013 au Musée Calvet d’Avignon. Le texte est ensuite diffusé sur les antennes de Radio France, au cours de leur grille d’été 2013.
Après la première étape d’écriture et la deuxième étape de présentation de texte à Avignon, Sylvie Dyclo-Pomos passe à la troisième étape, celle de la création.
Avec une équipe dynamique et professionnelle, le spectacle Coma bleu est présenté en grande première au festival Mantsina-sur-Scène le 17 décembre 2013 à l’Institut français de Brazzaville.


Enregistré durant le Festival d'Avignon le 18 Juillet 2013. Réalisation Alexandre Plank.Lu par l’auteure.
Avec le Festival d’Avignon et la SACD.
http://www.franceculture.fr/emission-un-ete-de-lectures-voix-d-afrique-15-coma-bleu-2013-07-29
Voix d'Afrique 1/5 : Coma Bleu de Sylvie Dyclo-Pomos 29.07.2013 - 20:00

Personnages : 1 femme(s) -

…Suzanne n’a pas retrouvé le corps de son fils. Son fils nouvellement recrue, logé dans le camp régiment blindé. Suzanne est une femme bantoue. Les bantous ont la tradition de cultes aux morts. Se recueillir devant la tombe d’un proche c’est ancré dans les us et coutumes du bantou. Suzanne a procédé à une fouille méthodique, ruelle par ruelle, au cas où les projectiles auraient propulsé si loin le corps de son fils. Retrouver ne fut-ce qu’un pied, une tête, une main, un orteil... Elle commence sa fouille à mille deux cent mètres de l’épicentre : rue Bouzala, rue Campement, rue Kintélé, rue Balloys, rue Konda, rue Bordeaux, rue Mpouya, rue Dolisie, rue Mossaka, rue Sainte-Anne bis, rue Sainte-Anne, rue Mouila, avenue des Trois Martyrs, rue Moundjombo, rue Ngabé, rue Mayama, rue Gamboma, rue Franceville, rue Dongou, rue Bangangoulou, lycée de la Révolution, rue champs de tirs, collège Gampo Olilou , rue Mvouti, rue Mbokos, rue des Martyrs, dépôt, Sans fil, camp régiment blindé, l’épicentre des explosions. RIEN… Aucune trace de son fils sous les décombres… RIEN. Deuxième choc pour Suzanne. Résignée, elle a pris le sable noir dans le camp, en se disant que le feu a consumé son enfant sur ce sable, elle a mis le sable dans une bouteille qu’elle a placée dans sa chambre. Elle a érigé un autel, a placé la bouteille au centre, chaque matin, elle se recueillait devant l’autel. Six mois après, ses nerfs n’ont pas résisté, elle a grossi le nombre de fous dans les rues de la capitale. Troisième choc pour Suzanne. L’absence de sépulture. Le bantou n’a pas la culture d’incinérer les morts…S’il vous plaît, laissez-moi vider tout ce qui est comprimé dans mon thorax, je ne voudrais pas finir nue dans la rue. Parler c’est une thérapie. Le corps reprend des forces, les idées se remettent en place, on digère mieux la réalité, si cruelle soit-elle… Vous m’imposez un silence qui m’enfonce dans la démence, un silence qui me rend insomniaque, un silence qui perce à petit feu mes organes vitaux. Ma plainte est une façon de libérer ma conscience, d’atténuer toutes les horreurs que vous avez entassées dans mon esprit…
Des généraux experts en artillerie lourde qui ont pu laisser un camp militaire s’entourer des églises, des écoles, des maisons d’habitation pendant des décennies... Je refuse de perdre la raison comme Suzanne. Je tiens bon, je résiste encore, il le faut, je vis encore, j’ai porté plainte donc je suis. Je ne suis pas dans le coma. Mon coma est bleu. Bleu, lueur d’espoir, lumière céleste qui éclaire mon sommeil et libère ma parole…