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Neuf petites filles (push and pull)
Sandrine Roche
Neuf petites filles (push and pull)
photo : DR
Actes du théâtre n° 79.[ imprimer ]
Neuf petites filles jouent à s’inventer des histoires. À tour de rôle, elles livrent leurs souvenirs plus ou moins romancés, leurs craintes, leurs vies rêvées. À travers ce jeu à première vue innocent et les thèmes qu’elles abordent tels que la féminité, la misogynie, le statut social, le corps de la femme, l’homosexualité… on observe à quel point ces fillettes peuvent être - envers elles-mêmes et les autres - cruelles, perverses, ambivalentes, effrayantes de lucidité.

Avec une langue épurée, comme taillée au cutter, une portée sur laquelle les futures interprètes trouveront une matière à la fois forte et libre, jazzy et heurtée, Sandrine Roche propose un univers très personnel, qui prend en compte dans le texte même les corps et les sensations.

« Que retient notre vie d'adulte de notre vécu d'enfant ? Comment un enfant est-il préparé à ce qui l'attend, plus grand ? Qui a conscience de la dureté de débuter dans la vie quand à l'école, on a été traité de grosse, quand les autres se moquaient de notre mère célibataire ? Une cour d'école et les
horreurs qui se passent et qui s'y disent préparent les enfants à la vie d'adulte, celle qui les attendent. Neuf petites filles propose d'écouter ces gamines que nous étions, et qui deviennent des femmes, des femmes violentées, des femmes qui souffrent de discrimination, mais des femmes quand même. »
Extrait du programme du théâtre des Abbesses

« Neuf petites filles met en scène un groupe de personnes se regroupant pour jouer des scènes, des histoires qu’elles inventent.
Deux sources d’inspiration ont présidé à la réalisation de ce texte.
D’abord un groupe de fillettes de 9 et 10 ans avec qui j’ai travaillé pendant un an en atelier de création amateur au Théâtre du Cercle à Rennes. Nous montions Pinocchio de Joel Pommerat ; j’ai proposé des thèmes d’improvisations pour comprendre leur rapport au conte, de leur rapport à la vie.
J’ai alors pu observer la cruauté, la dureté apparente avec laquelle les enfants rejouaient ce à quoi ils étaient confrontés dans leur quotidien. Je me suis beaucoup questionné sur ce qu’ils mettaient en jeu, la façon dont ils se jouaient de la réalité. J’ai voulu comprendre comment ces jeux, pour moi si effrayants, tant dans leur propos que leurs mises en scène, n’étaient en fait que le moyen de s’approprier cette violence du monde auxquels ils étaient forcément confrontés.
L’espace du jeu devient l’espace au sein duquel il est possible de questionner le réel. Ce réel si étrange, depuis les publicités quasiment pornographiques vues à la télé ou sur des affiches dans la rue, jusqu’aux expulsions d’enfants étrangers vécues en direct dans les écoles.
Alors je me suis souvenue de ce documentaire de Claire Simon, RECREATION (1993), visionné quelques années auparavant, et qui m’avait beaucoup marquée. J’ai repensé à cette cour de récréation, si proche de ce terrain de jeu sur lequel évoluait mes fillettes. Et j’ai écrit un jeu. Un jeu de vie. La vie comme un jeu.
Nous savons tous que vivre ensemble, c’est d’abord une violence.
La différence (sociale, de couleur, de taille et de poids) n’est pas une chose facile à accepter.
Vivre ensemble c’est d’abord se confronter, se cogner au réel.
Les neuf petites filles que je mets en scène questionnent la société, corps et langues confondus.
Comment l’individu se construit-il ? Avec quels moyens ? Quelles références de mots, de comportements ? Est-ce le vocabulaire qui détermine la personne ou la personne qui choisit son vocabulaire ? Est-ce l’image du corps
qui nous construit, ou nous qui façonnons notre propre corps pour devenir ce que nous sommes ?
Je fais et j’écris du théâtre pour parler du monde ; je ne fais pas de journalisme, je ne délivre aucune information.
J’expose une réalité de façon métaphorique, poétique. Je la détourne de son quotidien trivial pour mieux m’en emparer. Je fais et j’écris du théâtre parce que l’individu, dans toute sa singularité et sa spécificité, m’intéresse. »
Sandrine Roche

Création par Sandrine Roche en novembre 2011 au Théâtre du Cercle à Rennes (en tournée depuis) et Philippe Labaune en janvier 2013 au Nth8 à Lyon ; Stanislas Nordey en avril 2014 au TNB à Rennes puis au Théâtre des Abbesses à Paris en novembre 2014 ; Alan Castelo à Rio de Janeiro au Teatro do Leblon en janvier 2015.

Neuf petites filles a été traduit en letton, en danois et en portugais

Personnages : 9 femme(s) -
éditions Théâtrales

5 PETITES FILLES

- Là il y a mon père. Et là il y a ma mère. Et moi je suis au milieu.
- T’es au milieu de ton père et de ta mère ? C’est ça ton histoire ?
- Le début oui.
- Mais t’inventes rien là.
- Ben si j’invente. Dans la vraie vie, je ne serai jamais comme ça au milieu de mon vrai père et de ma vraie mère.
- T’es jamais au milieu de tes vrais parents dans la vraie vie ? N’importe quoi !
- Non, pas comme ça.
- Quoi, pas comme ça ?
- Je ne suis pas au milieu de mon père et de ma mère comme ça…
- C’est comment comme ça ?
- Ben il y a les deux cercueils de chaque côté et le mien est au milieu. Normalement on ne peut pas mettre le cercueil de l’enfant au milieu parce que dans les caveaux – t’as déjà vu un caveau ? – tu sais c’est par étage, on te met où il reste de la place, c’est au-dessus ou au-dessous. Des fois tu te retrouves même avec des gens dont t’as jamais entendu parler. Des arrières grands machins qui…
- Mais arrête ! C’est horrible ! Qu’est-ce que tu racontes ?
- Tu m’as demandé de te raconter mon histoire.
- Je ne t’ai pas demandé de me raconter des histoires de morts !
- C’est mon histoire.
- C’est lourd, là. Tu ne veux pas changer d’histoire ?
- Mais c’est la vie, c’est comme ça, on n’y peut rien…
- Arrête maintenant ! change d’histoire ! tu m’angoisses!
- Malheureusement tu sais la vie c’est comme ça. On ne fait pas toujours ce qu’on veut.
- Je m’en vais.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que vous faites ?
- Elle invente qu’elle est morte. Avec ses parents. C’est horrible. Je ne veux pas entendre cette histoire.
- Elle est morte ?
- Un bête accident.
- Mais qu’est-ce qui s’est passé ?
- Ils se disputaient dans la voiture. A cause de l’amant de ma mère.
- Encore ?
- Il a lâché le volant pour la gifler. Elle s’est jetée sur lui. Ils n’ont pas pu éviter l’arbre.
- Avec le 4X4 ? Le 4X4 tout neuf ?
- Oui
- Oulala c’est terrible. Ils sont morts ?
- Sur le coup.
- Pas de chance. Et toi ?
- J’étais derrière. Je pleurais. Je n’ai rien vu, rien senti.
- Oh ! ma pauvre, quelle épreuve !
- Oui, mais remarque je suis morte donc, je n’ai plus grand chose à faire.
- Oui c’est vrai, c’est mieux comme ça, parce que sinon…
- Sinon, ce serait horrible. S’occuper de la maison, les chats, laver le linge, se faire à manger…
- Oulala !
- Oulala !
- Non mais vous êtes complètement folles.
- Tout ça parce que ma mère a un amant.
- Tout le monde le sait. Pas de quoi en faire une histoire.
- Surtout qu’il y a bien pire.
- Vous ne voulez pas arrêter là ?
- Bien pire !
- Bon, je m’en vais !
- Surtout de nos jours…
- Parce que de nos jours, comme dit ma mère…
- Il faut se méfier.
- De tout !
- Et de tout le monde !
- Je m’en vais !
- De tout !
- Et de tout le monde !
- Je m’en vais. Vous m’entendez ? JE M’EN VAIS !

- Ton père n’est pas raisonnable quand même. Se disputer comme ça. En voiture. Avec un enfant.
- Mon père est un idiot. Tout le monde le sait.
- Ah ! bon ?
- Oui, oui, c’est un abruti. C’est pour ça que ma mère a pris un amant. Remarque, son amant est un abruti lui aussi. On dirait qu’elle les attire…
- Bon, maintenant que tout le monde est mort on a la paix.
- Oui, comme tu dis
- Ah ! Belle histoire.
- Et qui finit bien surtout.
- Oui, qui finit bien.

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1 PETITE FILLE

Une histoire vraie et mystérieuse en 9.
1 - Une femme très belle. En collants résilles. 2 - Elle attend dans un bar. 3 - Elle est seule. 4 - Tous les hommes la regardent. 5 - Elle est vraiment très belle. 6 - Elle boit un verre de vin rouge. 7 - Elle attend quelqu’un. 8 - Ou quelque chose. 9 - On ne sait pas quoi…

2 pieds sur sol - course mains en avant - corps face fléchi
Elan

PUSH

Mains poussent épaules - en roue par dessus tête
Réception sol accroupie.
S’allonge.
De face glisse sur corps allongé.
Face à face allongés.
Et roulent droite - roulent gauche - en pression contre sol
Séparation.
Mains accrochées – tirent - se redressent - dos à dos - appui en repos