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Paroles d'auteur

 
Eric Assous
© DR
Paroles croisées | Un entretien avec Eric Assous, par Sabine Bossan


 

Sabine Bossan Vous avez actuellement deux pièces à l’affiche à Paris. Les hommes préfèrent mentir au Saint-Georges et L’Illusion conjugale, qui vient de quitter le théâtre de l’OEuvre pour le Tristan-Bernard. Il ne me semble pas si fréquent qu’un auteur ait deux pièces jouées en même temps à Paris. Pensez-vous qu’elles s’entraînent l’une l’autre ou qu’elles se font concurrence ?

Eric Assous Avant tout je dois dire que ce sont les hasards du calendrier parce qu’il y en a une que j’ai terminée il y a six ans et que j’ai tenté vainement de monter ces dernières années. Il se trouve qu’elle a trouvé preneur seulement cette saison.


SB A quoi attribuez-vous cela ?

EA Je crois que c’est Marcel Achard qui disait : « quand on a fini d’écrire une pièce on a fait 5% du travail, 95% consiste à trouver un théâtre et une distribution pour qu’elle se joue. »


SB Ca ne date pas d’hier mais c’est toujours vrai.

EA La version qui se joue telle qu’elle est, a évidemment été remaniée plusieurs fois durant ces six ans et notamment pendant les répétitions, parce que je suis quelqu’un qui travaille encore une dernière fois au texte pendant les répétitions. Mais il n’empêche que je l’avais écrite il y a fort longtemps et qu’elle était très difficile à placer. Peut-être parce que j’avais l’image d’un auteur de pure comédie et que là ce n’est pas le cas.
Il se trouve que pour des raisons de calendrier il y en a deux à l’affiche, mais si celle-là avait été jouée il y a six ans je n’en aurais qu’une seule à l’affiche, Les hommes préfèrent mentir que j’ai écrite l’an dernier.


SB Aimez-vous assister aux répétitions ?

EA Oui, énormément. Parce que c’est là où l’on voit la confrontation de la matière écrite avec la matière humaine, et c’est là où l’on se rend compte qu’il y a des choses parfois qui ne fonctionnent pas, qui fonctionnent sur le papier mais pas sur scène.
J’aime bien l’idée qu’un texte ne soit jamais biblique, qu’on puisse éventuellement le retravailler jusqu’au dernier moment un peu comme on le fait au cinéma. J’écris des scénarios et on m’a souvent appelé pendant un tournage en me disant qu’il y avait une scène qu’il fallait rajouter, ou qu’il y avait une scène qui ne fonctionnait pas, ou qu’il y avait tel acteur qui n’était pas disponible et qu’on le remplaçait par tel personnage. Etre toujours prêt à retravailler à chaud, c’est un exercice qui à la rigueur m’est familier.


SB Intervenez-vous aussi sur la mise en scène ?

EA Il m’arrive de temps en temps de faire une petite remarque sur la mise en scène. Avec Jean-Luc Moreau nous avons une très grande complicité, on se dit les choses sans aucune gêne. Il m’est arrivé parfois de faire une remarque, de même que lui il peut me dire qu’il y a des passages de textes trop longs ou trop courts, ou qu’on aimerait avoir un petit développement dans certains passages. Nous avons une vraie collaboration, jusqu’aux répétitions.


SB Vous écrivez depuis les années 1982 ou à peu près : café théâtre, pièce radiophonique, télévision, cinéma, théâtre. D’où vous est venu ce goût pour l’écriture ?

EA L’écriture en général ça arrive toujours vers l’adolescence et pour peu qu’on soit un adolescent renfermé, ça passe par l’écrit. J’ai toujours écrit depuis l’âge de 14 ans.


SB Et toujours sous forme de dialogues ?

EA Oui, des états d’âme, des poèmes, des histoires. Je dessinais aussi. J’ai fait les Beaux-Arts.


SB Vous n’avez pas fait de bande dessinée ?

EA Si j’ai fait une petite bande dessinée qui était un peu autobiographique. C’était un personnage de 13 ans qui avait des pensées, des réflexions sur le monde, sur la perception de ce qui l’entourait.


SB Ca c’était à quel âge ?

EA J’avais 16-17 ans, c’était un peu à la façon de Charlie Brown, j’aimais beaucoup ce personnage, il me faisait rire. D’ailleurs je pense que le goût de l’écriture m’est venu quand on m’a dit que mes dessins étaient moins bons que mes textes.


SB Sympathique !

EA Oui, mais c’était une forme d’encouragement.


SB Et le style romanesque, est-ce que vous l’avez abordé aussi ? Parce que c’est la seule forme qui manque à votre panoplie d’auteur…

EA D’abord il faut dire que je suis, enfin j’étais, parce qu’hélas j’ai perdu beaucoup avec l’âge, j’étais un grand cinéphile. Je voyais tous les films. Je connaissais tout.


SB Le cinéma américain, le cinéma français ?

EA Tout, tout, même le cinéma japonais. J’étais vraiment un grand cinéphile. Evidemment maintenant je pratique beaucoup moins. J’adorais le cinéma. Et évidemment le premier exercice qui m’est venu naturellement c’était le scénario. Je crois que mon premier scénario j’ai dû l’écrire à 13 ou 14 ans. Je rajoute tout de même, au cas où certains auraient des doutes, que je ne l’ai jamais vendu bien sûr.


SB Peut-être faut-il le retravailler maintenant ?

EA Je suis retombé sur des choses que j’avais écrites quand j’étais très très jeune et franchement je me dis...


SB Qu’il faut tourner la page ?

EA Oui. Enfin, je ne voyais aucune facilité, aucun don, je ne voyais que des choses plaquées, prétentieuses. Il vaut mieux oublier.


SB Comment passez-vous d’un genre à l’autre, ou travaillez-vous sur plusieurs chantiers à la fois ?

EA Oui j’aime bien avoir plusieurs chantiers en même temps, parce que quand on tombe en panne sur un chantier, on passe à l’autre et je pense que l’un enrichit l’autre. Je peux écrire une pièce en même temps qu’un scénario de film, un peu le matin et un peu l’autre l’après-midi et ça ne me dérange pas.


SB Ca vous permet de garder la plume active.

EA J’écris énormément. J’écris cinq heures par jour. Je ne suis pas intimidé par l’acte d’écrire, c’est quelque chose qui me vient très facilement, très naturellement.


SB Y a-t-il un genre que vous préférez malgré tout ?

EA Non, je me sens à l’aise dans la comédie et le policier. Mais je ne suis fermé à rien. Peut-être au genre historique parce que je n’ai pas une culture suffisante. La science fiction ne m’intéresse pas plus que ça et je ne l’ai jamais pratiquée. Sinon je m’essaye à tous les genres.


SB Pour lequel êtes-vous le plus sollicité ?

EA En général les gens me connaissent comme un auteur de comédie parce que tout simplement ce qui m’a fait connaître au cinéma c’est Les Randonneurs, qui a été un petit succès. A partir de là on m’a étiqueté auteur de comédie, et donc j’ai continué dans la comédie.


SB Et pour le théâtre ?

EA Pour le théâtre aussi. Un de mes premiers succès au théâtre a été Les acteurs sont fatigués. C’était une pure comédie qui a très bien marché.


SB Je viens de la relire et ça n’a pas pris une ride. Tous les rôles sont bien dessinés, beaucoup de choses sont dites, notamment sur le milieu du théâtre.

EA Tous les auteurs ont des choses à dire ce n’est pas qu’un exercice ou une mécanique. Ce sont des annotations sur ce qu’on voit, sur ce qu’on vit. Justement la comédie permet de faire passer des choses, à condition d’amuser les gens, de les distraire. Je crois qu’on peut être distrayant et qu’on peut dire des choses sur le monde.


SB Ce que je trouve aussi - et je pense que ça aide votre plume et votre succès -, c’est qu’on sent toujours, malgré les piques et malgré le regard sur le monde que vous avez, qu’il y a toujours un fond de grande bienveillance et d’observation, il n’y a pas d’agressivité. Cela va loin dans les situations mais il n’y a jamais de vulgarité. On se laisse vraiment aller, on peut s’identifier à l’un ou l’autre des personnages. C’est très ouvert, très généreux.

EA Il n’y a pas d’aigreur. J’aime bien railler mes contemporains, dans lesquels je m’inclus d’ailleurs. Avec en même temps une certaine bienveillance. Je me dis on est comme ça, autant l’accepter et autant en rire. C’est un peu ma façon d’appréhender les personnages.
D’une façon générale je n’aime pas les personnages exemplaires, les héros, sans doute parce que je n’en suis pas un.
On peut avoir des moments d’héroïsme qui cohabitent avec des moments de grande médiocrité. C’est ce qui fait l’être humain, cette juxtaposition des extrêmes. C’est ce que j’essaye de traduire dans mes histoires.


SB Votre façon de travailler, ou de trouver votre inspiration diffère-t-elle selon que ce soit une œuvre qu’on vous ait commandé ou non ?

EA Je n’ai pas de problèmes avec l’imagination. J’ai toujours des idées, j’ai toujours plein de choses à dire. Je n’arriverais jamais à dire tout ce que j’ai à dire. J’ai plein d’idées de situations, de débuts d’histoires.
Je n’ai pas besoin de puiser mon inspiration en lisant des romans qui pourraient inspirer des scénarios ou des pièces. Je lis le journal bien sûr comme tout le monde. Je ne sais pas, c’est par imprégnation que ça se passe, il y a des choses qui me marquent de façon inconsciente et après ça rejaillit dans l’écriture.


SB Vous parliez l’autre jour de la pièce avec Roland Giraud.

EA Je pense qu’il y a des acteurs qui sont très stimulants. Quand un acteur vient vous voir et vous dit qu’il aimerait que vous écriviez pour lui, et en l’occurrence si c’est Roland Giraud, là j’ai eu trois ou quatre idées de situations de départ qui pouvaient correspondre à ce qu’il pouvait jouer. Parce que c’est quelqu’un qui me stimule et que je trouve drôle, talentueux, intéressant. A partir de là c’est venu assez facilement. Et puis je suis quelqu’un qui travaille assez vite. J’ai pu réagir vite.
A partir du moment où il m’a dit qu’il aimerait jouer une pièce avec sa femme, Maïke Jansen, j’ai parlé avec eux, on a évoqué comme ça des sujets, je leur ai dit ce qui me passait par la tête et puis à un moment ils m’ont dit : « Ca ça paraît intéressant comme point de départ ».


SB Au risque de me tromper vous ne semblez pas être un auteur qui tremble devant la page blanche, mais rien n’est moins sûr… Vous parliez de souffrance.

EA Il peut y avoir de la souffrance. Je ne suis pas intimidé par la page blanche, c’est vrai, mais il peut arriver qu’on tombe en panne, et une panne c’est une souffrance. Vous écrivez trente pages formidables et les dix pages suivantes sont déjà un petit peu moins bonnes et puis après vous n’avez plus d’essence et là vous êtes en souffrance. Alors il y a deux solutions : soit vous repartez à zéro et vous essayez de voir à quel moment vous avez commis une erreur dans la façon dont les choses sont agencées, soit c’est un arrêt définitif et il faut passer à une autre histoire parce que c’était une fausse bonne idée.
C’est pour ça que je dis qu’il peut y avoir de la souffrance à écrire. Ca m’est arrivé parfois de croire à une histoire, à une idée et de m’apercevoir qu’elle n’était valable que sur 45 pages et qu’après c’était fini, il n’y avait plus de jus.


SB Avez-vous actuellement sur vos étagères des œuvres qui n’ont pas encore été créées ?

EA Oui. Quelques-unes. Pour certaines je ne désespère pas. Et puis pour d’autres je me dis que si ça ne se fait pas c’est que ce n’était vraiment pas bon.


SB C’est à dire que vous les avez fait lire un peu autour de vous.

EA Oui. Parfois aussi c’est la rencontre avec l’acteur qu’il faut. En ce moment j’ai une pièce que je pense pas mal, mais le personnage est assez terrible et il y a peu d’acteurs qui acceptent de jouer un personnage trop médiocre.


SB Dans les pièces que je connais de vous j’ai l’impression de lire que vous avez un certain recul par rapport au « milieu » dans lequel vous travaillez, comme si vous ne preniez pas votre métier très au sérieux et qu’il y a des choses plus importantes dans la vie que d’avoir du succès. Et d’ailleurs qu’est-ce qu’avoir du succès pour vous ?

EA Je prends mon métier très au sérieux, il est très important pour moi. C’est ma vie. Mais je dis, avec le plus de sincérité possible et sans aucune forme de modestie, qu’on ne peut pas comparer le travail d’un auteur, aussi talentueux soit-il avec le travail d’un médecin qui sauve des vies. Je ne peux pas admettre qu’on puisse consacrer plus d’admiration à quelqu’un qui peut sortir trois phrases fracassantes par rapport à quelqu’un qui sauve une vie humaine. C’est en cela que je dis qu’on peut toujours parler cuisine, ça peut être intéressant pour quelqu’un qui a envie d’écrire, de connaître les mécanismes.
Je considère qu’il y a des métiers plus utiles que d’autres. Franchement quand je me compare à un médecin il n’y a pas photo.


SB Vous n’êtes pas seulement joué à Paris, mais on pourrait presque dire dans le monde entier. Aimez-vous suivre la carrière de vos pièces ? Que pensez-vous des représentations à l’étranger ? Les adaptez-vous pour les différents pays dans lesquels elles sont jouées ? A quoi attribuez-vous ce succès à l’étranger ?

EA Alors là j’avoue que je n’ai pas de réponse toute faite. A quoi j’attribue un succès ? Ca c’est très difficile. Je ne sais pas déjà pourquoi une pièce plaît en France, alors à l’étranger encore moins…En revanche j’aime bien essayer de percer le mystère. C’est à dire que j’ai été dans des pays étrangers où certaines de mes pièces étaient représentées et je voyais que les réactions du public étaient quasiment identiques aux représentations françaises.


SB Alors que vous ne compreniez pas la langue …

EA Mais je la devinais parce que je connais mes pièces pratiquement par cœur donc je savais à quel endroit ils en étaient. Mais c’est effectivement un mystère que je n’ai pas réussi à percer. Je suis ravi que mes pièces soient jouées à l’étranger, qu’elles y trouvent un écho. Je me dis que peut-être finalement quand je parle des gens, je ne parle pas que des Français et que je parle de l’être humain en général.


SB Ca c’est sûr.

EA Il y a une identification, en tout cas, j’imagine que c’est ça mais je ne suis sûr de rien, je n’ai pas de réponse.


SB Et les acteurs ? Quelquefois on a remarqué que d’une pièce jouée en France à une pièce jouée à l’étranger les acteurs se ressemblent.

EA De toute façon quand on écrit un personnage, quand on écrit des dialogues qui se rapportent à un personnage, on le dessine. Et je crois que ce dessin qu’il soit traduit en français, en allemand ou en roumain reste le même et finissent par apparaître un peu les mêmes caractéristiques extérieures de l’acteur. Je pense que ça tient à ça.


SB Vous les dessinez vos personnages quand vous écrivez ?

EA Je ne pars jamais d’un personnage abstrait. Le personnage est soit quelqu’un que je connais dans la vie, soit quelqu’un qui me ressemble, qui est une émanation de ce que je suis, soit un acteur qui peut créer des situations. Comme quand Roland Giraud pour prendre cet exemple, je me suis dit « Quelle est la situation dans laquelle on pourrait avoir envie de voir Roland Giraud ? ».


SB Mais vous ne les dessinez pas, vous n’en faites une esquisse puisque vous avez fait les Beaux-Arts.

EA En général quand j’écris une histoire, je connais bien mes personnages. Je connais même plus de choses que ce qui apparaît quand j’écris. Je sais l’âge qu’ils ont, je sais leur métier, je sais combien ils gagnent par mois, je sais s’ils sont divorcés, s’ils sont agressifs ou bienveillants. J’ai vraiment une fiche, mais elle n’est jamais consignée par écrit, elle est très claire dans ma tête. Et d’ailleurs souvent un personnage aide à écrire. Dans une situation donnée, vous vous dites : il ne pourrait répondre que ça, il ne pourrait faire que ça.
Je pense que ça aide d’ailleurs beaucoup à donner une cohérence au personnage, de bien le connaître en amont avant de le faire réagir.


SB Les hommes ne sont pas épargnés en général dans vos pièces, est-ce de l’autocritique ou la fine observation du monde qui vous entoure ?

EA On m’a dit que je n’étais pas gentil avec les hommes, et que j’étais misogyne. J’aime bien les défauts qui sont les plus répandus chez les hommes et chez les femmes. On rit plus du travers des gens que de leurs qualités. A partir de là ça fait exister un personnage.
Chez moi, les hommes sont plutôt lâches, plutôt faibles. Les femmes ont plutôt mauvais caractère, elles sont légèrement hystériques.


SB Vous dites dans Les acteurs sont fatigués « le sexe n’est qu’un détail de la vie d’un couple » et j’ai vraiment l’impression que c’est le fil rouge de votre inspiration pour vos pièces. Pour certains personnages c’est un détail très important, pour d’autres non, et pour d’autres encore ça dépend.

EA Le couple est souvent au centre de tout ce que j’écris. Comment on dure est un mystère que je n’ai toujours pas réussi à éclaircir. A partir de là ça ouvre la porte à toutes les situations possibles. J’ai aussi ma propre expérience de couple, j’ai été marié vingt ans, et là je vis en couple encore. La majorité des gens vivent en couple.
Donc j’ai l’impression de parler un peu de tout le monde sous l’angle de la comédie.
Le couple est très récurrent dans ce que je fais. Je pense que même dans cent ans on continuera d’écrire des comédies sur le couple.
J’essaye d’apporter une forme d’adéquation entre le thème du couple et la réalité d’aujourd’hui et d’être un peu dans l’air du temps. Les relations de couples évoluent de génération en génération.
Et j’essaye de me tenir au courant de cette évolution.


SB Vous n’avez pas encore abordé les rencontres par meetic, par internet ?

EA Si je l’ai fait dans un film qui s’appelle Irène. Il y avait deux personnages qui se rencontraient par ordinateur interposé.
C’est effectivement un phénomène de société très intéressant. Dans l’histoire que je racontais, le personnage faisait croire qu’il était parti au Japon alors qu’en réalité ils ne pouvaient avoir de « relations sexuelles » qu’à travers l’ordinateur alors qu’il était à Paris. Et puis le personnage féminin se rendait compte qu’il n’était pas du tout au Japon, qu’il avait mis une tenture avec des motifs japonais, il faisait croire qu’ils n’étaient pas à la même heure. Et c’était matière à comédie bien sûr.


SB Avez-vous un ou plusieurs rêves que vous souhaiteriez voir exaucer dans votre métier ? Etre joué dans un certain théâtre, voire dans un certain pays, être interprété par tel ou tel comédien ?

EA Non je n’ai pas d’acteur précis. Il y a beaucoup d’acteurs que j’aime beaucoup et si ça se fait j’en serais heureux.
Ma plus grande fierté ça a été qu’Alain Delon accepte de jouer dans une mes pièces. Alain Delon c’est un acteur que j’admirais depuis que j’avais 14-15 ans et que j’admire encore. Alors ça a été troublant, un peu surréaliste Qu’un acteur mythique dise je vais jouer votre texte, ça ça m’a stupéfait. Après les autres acteurs, il y en a beaucoup que je trouve très talentueux et je serai ravi qu’ils jouent mes textes. Mais je n’ai pas de rêve secret.


SB Il n’y a pas le rêve d’être joué sur Broadway ?

EA Non. Peut-être qu’il y a dix ans je vous aurais dit autre chose mais là aujourd’hui au point où en sont les choses je suis un peu fataliste. S’il y a de bons acteurs, de grands acteurs qui me jouent, je serai ravi. Mais ce ne sont pas des rêves que je poursuis.


SB Si vous n’étiez pas auteur, quel métier auriez-vous aimé exercer ?

EA Peut-être du dessin parce que j’avais un petit don et que j’ai fait les Beaux-Arts. J’ai une certaine aisance à m’exprimer par écrit.
J’ai travaillé dans une agence de publicité où j’étais rédacteur et j’y ai beaucoup appris.Ca m’a appris à dire beaucoup de choses en peu de phrases.


SB En fait votre aisance pour l’écriture vous l’avez découverte grâce au cinéma.

EA Oui. Et surtout la capacité à synthétiser. Souvent quand on écrit c’est la synthèse d’une pensée, la clarification d’une idée, d’une situation. Je pense qu’au départ c’est un peu la définition de l’écriture.
Je pense qu’au départ j’avais des facilités.


SB Et du plaisir ?

EA De la facilité et du plaisir, bien sûr. Et puis même un besoin de m’exprimer. Je n’étais pas très bavard, j’étais même un peu mutique.
Et puis à l’époque je n’étais pas très sûr de moi. J’avais une petite tendance au bégaiement, évidemment ça n’aide pas. Donc ça ça vous oblige à coucher sur le papier ce que vous avez du mal à dire par oral.


SB Est-ce que vous rencontrez beaucoup les auteurs, ou beaucoup les comédiens ? Est-ce que vous allez beaucoup au théâtre ?

EA Je vais un petit peu au théâtre. Je lis beaucoup d’autres auteurs contemporains. Et je suis très curieux de voir comment les autres font. Je suis plus curieux de lire que de voir.


SB On vous demande votre avis, on vous demande un coup de main ?

EA On me demande mon avis mais je ne suis pas toujours de très bon conseil parce que je réagis toujours en auteur, et je me demande toujours comment moi je ferais.
Je pense que lecteur et auteur ce n’est pas tout à fait le même métier.
Un auteur c’est quelqu’un qui agit, un lecteur c’est quelqu’un qui juge, qui a une vue d’ensemble.


SB Avez-vous retravaillé des pièces avec certains auteurs ?

EA Non. Des scénarios oui, pas des pièces.


SB C’est agréable de travailler à quatre mains ?

EA Ca dépend avec qui, tout dépend de la rencontre. Tout dépend du mariage.


SB Je vous remercie infiniment. Ca va, je ne vous ai pas trop embêté ?

EA Non, pas du tout. Je disais simplement l’autre jour qu’il y avait des hiérarchies et ça j’y tiens. Envoyer des gens au théâtre un soir et qu’ils passent une très bonne soirée et qu’ils soient très heureux, j’en suis ravi. Mais ce n’est pas comparable avec un médecin qui sauve des vies. On a plus besoin d’un médecin que d’un auteur. Il y a des gens qui vivent très bien sans aller au théâtre ou au cinéma. Je fais du superflu.

 
  Entretien conduit par Sabine Bossan,
le 1er février 2010
 
 
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