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Paroles d'auteur

 
Virginie Hocq
© DR
Virginie Hocq | Entretien par Sabine Bossan


Virginie Hocq, humoriste belge de renom, a répondu à nos questions à son retour d'une tournée éclair durant laquelle elle a présenté son Seule en scène en France, au Maroc et au Québec. Comme quoi son humour ne connaît pas de frontières.
Quant au théâtre, elle a des projets… Elle a trouvé le metteur en scène, les comédiens… mais pas encore la pièce !

http://www.virginiehocq.com/

Sabine Bossan Vous préférez le terme Seule en scène à One-woman show. Est-ce parce que c'est du français ou parce que vous êtes seule ?

Virginie Hocq Je crois que c'est un petit peu des deux. Quand j'étais à l'Académie, toute petite, mon professeur de déclamation appelait ça du Seule en scène. J'ai trouvé ça sympa étant donné que j'étais Française et Belge d'utiliser ce terme. Et c'est vrai que je suis seule en scène. Un Seule en scène, c'est plus proche du théâtre, plus proche du monologue.


SB Il n'est pas fréquent de rencontrer quelqu'un qui a une vocation, mais c'est votre cas. Petite vous vouliez déjà être comédienne. Pour faire rire ou pour jouer dans des pièces sans forcément faire rire ?

VH C'était plutôt pour jouer dans des pièces sans forcément faire rire, pour la collaboration avec d'autres personnes. Toute petite, ça m'a plu d'apprendre un texte, de répéter, de voir comment ça se transformait, d'être au plateau comme ça dans une petite salle, et puis ensuite de monter sur scène et de pouvoir faire ça avec d'autres copains. Je remarque que souvent dans les textes, j'improvise, et ça fait du rire mais aussi de l'émotion. Et je me suis autorisée ça dans les Seule en scène grâce à la collaboration artistique de plusieurs personnes. Souvent dans les Académies on rajoutait des gens qui faisaient du solfège, des gens qui écrivaient, des gens qui faisaient de la danse. C'était assez complémentaire.


SB Premier Prix d'Art dramatique du Conservatoire Royal de Bruxelles, vous avez ensuite fait partie de la Fédération belge d'improvisation amateur. L'improvisation est certainement une bonne école pour trouver son style, qu'en avez-vous retiré ?

VH J'ai adoré la Ligue d'impro. Ce n'était pas super bien vu quand j'étais au Conservatoire, parce que ce n'était pas du théâtre. Mais dans chaque catégorie, dans chaque cours il y avait une espèce de cloisonnement auquel je n'ai pas participé. Au Conservatoire, on nous disait qu'il fallait travailler avec le prof qui nous avait choisi pour l'examen d'entrée, moi j'ai travaillé avec tous les profs qu'il y avait parce qu'ils avaient tous des sensibilités différentes. J'ai essayé la Ligue d'impro parce que c'était intéressant comme laboratoire pour tester les personnages. Ca m'a aidée à incarner les choses. J'ai fait deux ans en amateur et cinq ans en professionnel. D'ailleurs, aujourd'hui, mes textes, mes répétitions, je les travaille encore en impro. Ma metteur en scène, qui vient du théâtre, prend la matière, la réécrit. Et quand les ados me demandent comment j'ai fait et comment, eux, ils peuvent faire, je leur conseille toujours la Ligue d'impro. Simplement parce que le jeu est permanent et qu'il faut toujours être à l'écoute de son partenaire. Il faut être efficace, on est dans le moment. Et, comme dans tout, il y a un grand nombre de moments magnifiques et de moments qui le sont un peu moins.


SB Vous traitez un grand nombre de sujets ayant trait aux relations humaines, jeunes, adultes, vieux, personnes différentes. Pensez-vous que l'on peut aborder tous les sujets avec humour ? Ou bien y a-t-il des sujets que vous ne souhaitez pas aborder.

VH Il y a vraiment beaucoup de sujets dans lesquels je vais, mais, comme toujours, j'essaye de mettre une loupe pour déformer les situations. Il y avait un sujet sur la trisomie. Les parents qui ont un enfant qui est trisomique, pour eux, c'est autre chose. Sinon les gens ont peur parce qu'ils ne connaissent pas bien ce handicap. J'avais réussi à faire un sketch où finalement le public adorait ce personnage. C'était une petite bulle d'oxygène, ça faisait sourire, et en même temps c'était un petit moment d'émotion. Je viens vraiment du théâtre donc je suis moins dans le jeu de mot et dans la blague. Je me moque d'abord de moi, donc je peux vraiment aller partout et faire rire les gens. Les personnages savaient que c'était un personnage différent et il était attachant.


SB Préférez-vous écrire vos numéros seule ou à plusieurs mains ? Avez-vous un projet de pièce de théâtre ?

VH J'écris à plusieurs, je suis seule sur scène, mais je n'aime pas être seule sur scène. Je suis sans doute assez égocentrique pour me retrouver toute seule sur scène, mais pas assez pour avoir toutes les choses en moi. Donc on est plusieurs. J'ai des idées de sketch comme « squelette », et je demande à mes compagnons de rajouter la peau, les muscles pour que les choses soient bien parfaites. Je confie la mise en scène à quelqu'un par peur de tomber dans mes facilités. C'est un travail d'équipe. Pareil pour les tournées et c'est vraiment important. Pour le théâtre, oui, j'ai des projets. Ca me fait penser que je ferais bien d'aller consulter les auteurs à la SACD parce que j'ai trouvé un metteur en scène, j'ai trouvé les comédiens, mais on n'a pas trouvé la pièce. Pourquoi ne pas faire parler les mots de quelqu'un d'autre ? Ou peut-être passer commande à un auteur ? Il faut vraiment que je m'attelle à ça.


SB Vous excellez dans les imitations des comportements humains et des animaux. Vous bougez admirablement avec votre corps. Avez-vous fait de la danse, du mime, est-ce votre sens aigu de l'observation ? Ou bien les trois mon capitaine ?

VH Les trois mon capitaine. Les trois, vraiment. J'ai fait de la danse quand j'étais petite et je n'aimais pas ça du tout. Mais comme j'avais demandé à en faire, mes parents m'ont dit que je devais aller jusqu'au bout. Avec mon grand corps, je dépassais toujours les grands. Et finalement la danse m'a été utile. Maintenant je sais me mettre en position, je me tiens bien, je sais faire ma chaîne musculaire. Le mime, j'ai trouvé ça indispensable, j'ai fait un stage avec Michel Courtemanche. Je suis curieuse de tout. Peut-être qu'après je me mettrai au Kabuki et ensuite au théâtre No. Je ne sais pas encore.


SB Il n'y a chez vous aucune vulgarité, mais de l'impertinence, un visage mobile mais sans outrance, votre humour provient essentiellement de « détournements de situations ». Quelles sont les qualités les plus importantes pour vous chez un humoriste ?

VH Je ne sais pas vraiment quelles sont les qualités les plus importantes. Pour moi, le plus important - et c'est peut-être parce que je viens du théâtre -, c'est que l'idée, les choses soient bien ancrées. C'est-à-dire que quand je raconte une histoire, j'y crois à fond. Parce que je l'ai appris d'emblée puisque je viens de là. Je n'imaginais pas faire du Seule en scène, moi. Donc je me dis que c'est pour rassembler plein de gens, j'ai envie qu'ils passent un bon moment, il y a des moments où ça doit un peu piquer, où le vernis pourrait craquer. La vulgarité, je ne le suis pas dans la vie, donc je vais toujours sur le fil mais je ne peux pas le dépasser parce que ça me met très mal à l'aise.


SB Et si j'employais le terme bienveillance ?

VH Ah oui. Quelqu'un m'a dit un jour au Québec : « Mais quelle humanité ! » J'aime bien les gens. J'ai besoin d'être avec les gens. J'ai l'impression que toute seule je serais vraiment très malheureuse. C'est pour ça aussi que je leur adresse la parole. J'ai vraiment envie d'avoir le sentiment que les gens sortent du spectacle en poussant un gros soupir de détente, en disant qu'ils ont bien ri, avec des images, des histoires, qu'ils sont apaisés, de bonne humeur.


SB Vous dites que vous avez découvert « votre » humour ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

VH Je suis bourrée de doutes vraiment et je suis mon pire ennemi aussi. Je pourrais foirer quelque chose parce je n'ai pas confiance en moi. J'ai découvert mon humour dans le sens où j'ai une personnalité que je ne soupçonnais pas. Et je l'ai découverte parce que j'ai toujours été bien entourée, on m'a toujours portée plus haut. Quand je proposais des choses, on ne m'a jamais dit que ce n'était pas comme ça qu'il fallait faire. On m'a laissé essayer et ça a été tout le temps comme ça dans mon éducation. J'ai été entourée de gens bienveillants justement. J'ai un univers très particulier. Le fait de pouvoir parler des animaux par exemple. Quand j'ai décidé de faire les bonobos, j'ai cru que les gens allaient trouver ça ridicule et puis non. Alors je peux tout faire.


SB Vous faites du Seule en scène, du théâtre, de la télé, du cinéma. Comment se complètent pour vous ces différentes formes artistiques ?

VH Je les appréhende de la même façon, c'est toujours parce que j'ai envie d'aller vers les gens. Lors de mes Seule en scène, j'ai toujours envie de dire bonjour, de prendre le temps de discuter avec les gens. Au cinéma, je suis toujours très respectueuse de l'équipe qu'il y a sur le tournage. A la télévision, j'ai toujours hâte de rencontrer les nouveaux collègues. On a l'impression de créer des équipes, des groupes en travaillant ensemble. J'aime bien tout ce que je peux apprendre et essayer. J'adore les fous rires. J'adore quand on ne trouve pas et que le metteur en scène dit que ce n'est pas ça du tout. J'adore y retourner en me disant qu'aujourd'hui ça ira mieux. On a plusieurs cordes à notre arc en étant comédien. Et le théâtre j'adore !


SB Votre plus grande qualité et votre plus gros défaut ? Pensez-vous que ça va s'arranger ?

VH Mon plus gros défaut c'est vraiment ce grand manque de confiance en moi et j'ai l'impression que ça ne s'arrange pas. Il va falloir que je fasse un gros travail sur moi. Je suis vraiment tout le temps à douter. Alors que c'est chouette, tout fonctionne bien.


SB Cela peut aussi être une qualité de douter. Ca permet parfois de progresser. En fait ce pourrait être votre plus grande qualité et votre plus gros défaut.
Vous avez reçu le Prix Nouveau Talent SACD 2011, et un soutien du Fonds SACD Humour en 2010, donc vous savez à peu près ce que pense de vous la SACD. Et vous que pensez-vous de la SACD ?


VH C'est la Belge qui parle là. J'avais déjà reçu un prix de la SACD Belgique et en recevant le Prix de la SACD à Paris, c'était comme si je passais dans la classe supérieure. Je me suis dit : « bon ! Ca va là. » J'étais contente de voir toutes ces personnes qui étaient venues à mon spectacle. C'était bien. Et lors de cette remise des prix à la SACD France, j'ai reçu une petite somme d'argent que j'ai investie dans un nouveau projet : une expo photos. J'ai fait la mise en scène en photos de mes spectacles. J'ai trouvé un théâtre qui m'a permis de les exposer.


SB Voulez-vous ajouter quelque chose ?

VH Oui. Merci et à l'année prochaine pour un nouveau spectacle ;-).



Propos recueillis par Sabine Bossan
21 juin 2012
 
 
 
 
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